Entretien avec M. Jean Conseil (2015)

Propos recueillis par Hélène Delorme et Véronique Le Lann

1 – Fonctions et parcours :

Agé de 60 ans, M. Jean Conseil est agriculteur et a exercé diverses responsabilités professionnelles, principalement dans les organismes de développement dont les CUMA (il est président de la CUMA locale du Chatillon). Il est élu conseiller municipal de Villemer en 1989, premier adjoint en 2001 et depuis 2008 maire de la commune. Il nous a reçues le 22/12/2014.

2 – La commune de Villemer : habitants et patrimoine

Depuis 1989 trois maires agriculteurs se sont succédés dans la commune. Pourtant le nombre d’agriculteurs diminue dans le village (5 exploitations aujourd’hui) et au conseil municipal (de 6 en 1989 à 2 actuellement). La population s’élève aujourd’hui à 260 habitants. Après un mouvement de diminution dans les années 1960, elle reprend sa croissance à partir de 1980, sous l’effet de l’arrivée de plusieurs jeunes couples avec enfants, puis se stabilise dans les dix dernières années. Villemer accueille l’école maternelle (2 premiers niveaux) dans le cadre d’un regroupement scolaire sous forme de SIVOS avec trois autres communes voisines. Les différents niveaux sont répartis entre les communes. Le poste de l’école primaire consomme prés du ¼ du budget communal. Les résidents secondaires sont minoritaires, à peine 10% du total. Villemer est un village habité par des locaux, une majorité d’anciens à la retraite, une minorité d’actifs employés dans les villes voisines, et tous avec une faible tradition associative. Ce qui rend l’animation du village délicate à organiser faute d’un nombre de bras suffisant.

Un seul monument classé dans le patrimoine de la commune : la place d’armes, toujours inscrite à l’inventaire supplémentaire, malgré la mort du marronnier de la liberté planté en 1789 (remplacé par un érable), a gardé son entourage triangulaire de tilleuls centenaires. L’église, trapue et rustique, a été construite au XIXème siècle à l’emplacement d’une chapelle du XIIème, pour remplacer l’église et le cimetière qui se trouvaient au-dessus du village. Elle fait l’objet d’un entretien attentif (enduits refaits à la fin des années 1990, peinture des portes, ventilation, réfection du sol, gouttières en projet…) pour parer à l’humidité que cause une source souterraine, d’autant plus difficile à contrôler que tout le terrain autour de l’église a été vendu. Parmi les typiques maisons paysannes du bourg, se détachent quelques maisons de familles. Enfin, le lavoir à la sortie du village, récemment restauré, est remarquable par sa taille, son style IIIème république et ses éléments de confort : porte pleine, fenêtres vitrées, 3 cheminées de coin et aération zénitale.

3 – Une conception large du patrimoine

Pour notre maire, le patrimoine ne se résume pas au bâti. Il englobe tous les éléments, hérités du passé ou créés dans le présent, qui contribuent à sauvegarder et construire l’identité d’un territoire : paysage, végétation, urbanisme, comportements et traditions locaux … Il est ainsi très attaché à la préservation des anciennes « côtes » orientées au sud où étaient cultivées des vignes (avant le philloxéra) et où on trouve encore des vergers. Une vigne persiste, entretenue par son propriétaire en partenariat avec une association de Saint Aubin Chateauneuf. Deux vergers conservatoires ont été créés récemment par des particuliers et financés en partie par des aides de la Région.

Pour lui, un urbanisme en lien avec la qualité de vie et l’environnement du village est un facteur important pour la sauvegarde de son patrimoine : ainsi la création de banquettes enherbées à la place des trottoirs, le traitement mécanique ou thermique des « mauvaises herbes » (y compris au cimetière), l’absence de lotissements (mais construction de quelques maisons individuelles) et la priorité à l’occupation des « dents creuses » (mais les 2 ou 3 terrains disponibles ne trouvent pas d’acheteur en ce moment), l’encouragement aux haies de préférence aux murs de clôture.

4 – Les moyens d’action d’un maire en matière d’urbanisme

En matière d’urbanisme, Villemer est sous le régime du RNU (réglement national d’urbanisme), qui maintient le maire dans un rôle de conseil, la décision revenant à la DDT tant pour les constructions (permis de construire) que pour les réhabilitations (déclaration préalable de travaux). Pour l’avenir, J.C. envisage favorablement la participation à un PLUI (plan local d’urbanisme intercommunal) dans le cadre de la Com de com de l’Aillantais. Cette procédure rejoint son souci de partage et de mise en commun qui, sans préjuger des projets législatifs en cours, lui parait indispensable pour permettre aux communes de mener à bien leur mission territoriale. Villemer pratique d’ores et déjà cette coopération dans le cadre de divers partenariats : avec la FREDON (Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles) pour former l’employé municipal à la suppression de l’usage des pesticides ; avec le CAUE 89, auquel Villemer a été une des premières communes à adhérer.

La création d’une ZPPAUP (zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager) a été abandonnée par crainte de provoquer des surcoûts dans les travaux d’entretien du patrimoine. Si, dans l’immédiat, l’emploi de matériaux adaptés (comme la chaux, le bois ou les isolants « bio-sourcés ») peut coûter plus cher que le ciment et les isolants minéraux, il peut rapporter à terme, tant pour le confort et la durabilité que pour la valorisation d’un bâti ancien.