Rencontre avec Jean-Luc DAUPHIN (décembre 2010)

Entretien avec Jean-Luc Dauphin

 

Au moment de cet entretien en décembre 2010, Jean-Luc Dauphin était vice-président du Conseil Général de l’Yonne et Président du CAUE 89. Il est aujourd’hui vice-président de ce CAUE.

 

MP 89. La création d’un CAUE de l’Yonne était une question posée depuis longtemps mais régulièrement remise. Pouvez-vous nous raconter quel a été le déclencheur de la décision du Conseil Général en 2009 ?

 Engagé depuis plus de trente ans dans la défense et la valorisation du patrimoine icaunais, mais également très vivement intéressé par les questions architecturales et environnementales, j’étais depuis longtemps partisan de cette création mais je n’avais pas su en convaincre Henri de Raincourt, alors président du Conseil général. La chose a été plus aisée avec Jean-Marie Rolland, qui partageait ma sensibilité à cet égard ; dès son accession à la présidence du Conseil général au printemps 2008, la création d’un CAUE a été l’un de nos objectifs partagés : nous partions du constat que les questions d’urbanisme et d’environnement étaient plus que jamais primordiales dans notre département, marqué par une forte pression démographique au nord et soumis à une problématique de préservation de ses paysages et de son habitat qui contribuent à son attractivité – et pas seulement touristique. Nous avons constitué un premier groupe de travail, qui a préparé cette création, actée dès le printemps 2009 et effective depuis le début de juillet 2010.

MP 89. Comment hiérarchisez-vous les trois volets de cet organisme : architecture, urbanisme, environnement ?

 

 L’idée d’une hiérarchie entre ces trois volets serait à mes yeux une hérésie : ce sont les trois composantes nécessaires de notre réflexion, qui ne vont pas l’une sans l’autre. Ainsi, il ne saurait aujourd’hui être question de concevoir l’urbanisme et l’architecture sans une prise en compte environnementale, dans une démarche de développement durable et de qualité de vie ; de même, l’architecture doit être pensée en intégration tant dans le bâti préexistant que dans l’espace naturel : à cet égard, j’ai le souhait que notre CAUE de l’Yonne sache se faire l’ambassadeur de démarches innovantes, aussi bien pour le recours à des matériaux traditionnels (bois, chanvre, etc.) que pour la place à donner à une architecture contemporaine bien intégrée, infiniment préférable aux fades « pastiches » de bâti ancien que nous voyons encore trop souvent… La juxtaposition du contemporain et du traditionnel peut être une vraie réussite esthétique !

 

 MP 89. Quels sont les moyens dont disposera le CAUE pour mener à bien ses missions ?

 

Cette question peut se comprendre à plusieurs niveaux : moyens financiers, mais aussi moyens humains ou moyens administratifs… Disons d’emblée que le CAUE n’est pas le rouage supplémentaire d’une administration que l’on trouve toujours trop pesante : notre rôle est de convaincre, non de contraindre ! Les moyens d’action à développer en découlent : conseil, information, formation, pédagogie… et ce, en direction de tous les publics : les particuliers, les collectivités (il est toujours surprenant de constater qu’un nombre conséquent de communes de l’Yonne ne possèdent aucun document d’urbanisme !), mais aussi les artisans, les professionnels du bâtiment, les formateurs et, bien sûr, les enseignants (à l’heure où l’Histoire des Arts fait son entrée en force dans les programmes scolaires), qui sont bien placés pour sensibiliser d’emblée les citoyens de demain aux enjeux du cadre de vie en formant leur regard et leur réflexion…

 

 Parlons maintenant des moyens concrets de ce fonctionnement : de par les textes qui le règlementent, un CAUE a pour première ressource propre une taxe sur les nouveaux permis de construire, établie à un taux de 0,3 % par les services fiscaux à partir des éléments qui servent à déterminer la taxe locale d’équipement (T.L.E.) et les bases de l’imposition du Foncier bâti… La nécessité de mettre en place cette taxe nouvelle avait d’ailleurs été une des raisons qui ont longtemps différé la création d’un CAUE dans l’Yonne ! Elle est désormais effective depuis le 1er juillet 2010 ; toutefois le délai de recouvrement étant de 12 à 18 mois, c’est actuellement le Conseil général qui met à notre disposition la trésorerie nécessaire au démarrage de notre organisme, mais il s’agit d’une avance qui sera remboursée sur les trois premières années de fonctionnement du CAUE.

 

Des moyens humains enfin : en premier lieu l’équipe bénévole du Conseil d’administration et du bureau du CAUE, qui réunit des élus, des responsables administratifs, des architectes, des professionnels du bâtiment et des militants associatifs, tous fortement impliqués dans la constitution et les projets à conduire ; mais aussi une première « cellule » professionnelle, actuellement constituée d’un directeur administratif chargé de mener à bien cette année de « préfiguration » et d’une assistante, particulièrement motivée par les questions patrimoniales et environnementales ; à leurs côtés, nous avons commencé à confier des missions et vacations à des architectes indépendants.

 

 MP 89. Quels types d’experts pensez-vous les plus utiles pour constituer à terme l’équipe permanente du CAUE ?

 

 La pluridisciplinarité la plus large est requise pour aborder toutes les facettes de notre mission. Cela suppose que nous puissions, en fonction des dossiers sur lesquels nous interviendrons, mobiliser les compétences d’architectes, d’urbanistes, de paysagistes, de techniciens du bâti, mais aussi d’archéologues, d’historiens, voire de sociologues ou d’autres spécialistes. Naturellement, le CAUE ne va pas recruter tous ces experts : autour d’un noyau permanent qui, de façon idéale, devrait comporter à terme 3 ou 4 agents, il faut avoir la souplesse et l’adaptabilité nécessaires, ce qui suppose de confier des vacations ponctuelles ou plus durables à des professionnels extérieurs, avec la contrainte logique de recourir à des professionnels qui ne puissent pas être juges et parties dans les dossiers à traiter.

 

 MP 89. Un mot de conclusion ?

 

 L’heure n’est pas à conclure, mais bien au contraire à engager résolument notre action, à multiplier les contacts avec les élus et les décideurs de ce département pour construire avec eux le visage de l’Yonne de demain. Dans le respect de notre patrimoine naturel et architectural et le souci d’apporter de nouvelles pierres à l’édifice !