Entretien avec Vincent Dufour, maire de Ronchères (Été 2015)

ENTRETIEN AVEC M. VINCENT DUFOUR, MAIRE DE RONCHÈRES

Le 12 juin 2015 à la mairie – propos recueillis par H. Delorme et V. Le Lann, également auteure des photos

Ronchères, avec 118 habitants et une superticie de 11 km2, est une des plus petites communes de la Communauté de communes Coeur de Puisaye. Petite quantitativement, Ronchères est remarquable par un PLU qui prend en compte le patrimoine bâti et naturel. M. Vincent Dufour, maire, accompagné de M. Robert Garnault, adjoint, nous a exposé le long cheminement qui a conduit à cette situation.

1 – Un rappel d’histoire patrimoniale.

V.D. distingue trois périodes remarquables dans l’histoire patrimoniale de Ronchères. De l’époque gallo-romaine, restent des ferriers, amas de scories anciennes provenant de l’exploitation du fer présent en quantités importantes dans le sol de Puisaye (le plus grand est celui de Tannerre-en-Puisaye, à 10 km de Ronchères).

Le XVIIe siècle est celui des jansénistes. Après le démantèlement de Port Royal, sous la protection de l’évêque d’Auxerre, ils reconstituent une « petite citadelle » à Treigny, Ratilly et Ronchères où officie Fleur de Rouvroy, ex-vicaire de Saint-Germain-l’Auxerrois. Là, bourgeois parlementaires et nobles dames vivent en « solitaires » dans des maisonnettes construites autour de l’église Saint-Fiacre. La Grande Mademoiselle, exilée à Saint-Fargeau, se joint peut-être à cette austère assemblée pour écouter les sermons de Fleur de Rouvroy. L’église conserve de cette période un Christ janséniste, la cloche donnée par la Grande Mademoiselle, probablement donatrice aussi des riches peintures murales qui ornent la voute du chœur. Classées monument historique, ces peintures forment le « Paradis de la Puisaye » avec leurs 28 saints et saintes répartis autour du monogramme du Christ et des 4 évangélistes. Les noms des saints, écrits, illustrent le souci des jansénistes de diffuser le savoir aux humbles. Du XVIIe, subsistent aussi les registres d’états civils datés de 1603 et 1677.

S’ils apprenaient à lire aux miséreux, les jansénistes les corrigeaient aussi de leurs excès : une verge placée à l’entrée de l’église rappelle la pénitence publique infligée en 1733 par Fleur de Rouvroy à un potier venu aux vêpres en état d’ébriété. Cela ne pouvait plaire aux cabaretiers … Ils n’ont sans doute pas été trop émus lorsqu’en 1735 Fleur de Rouvroy, auteur d’un pamphlet contre Louis XIV, est capturé par la police royale au lieu-dit « Tue chien des bois » et enfermé par lettre de cachet au donjon de Vincennes.

Troisième période moins remarquable : le XIXe siècle. Maurice de Vergennes (descendant du ministre), en même temps qu’il fait construire le château de Montréal, « rénove » l’église et ce faisant recouvre le magnifique décor de peintures Renaissance de la nef originelle par une seconde voute. Hélas, cachées et oubliées, les peintures Renaissance, posées sur un fond de bois et enduit chaux, se disloquent en éclats tombés entre les deux voutes…

2 – Un PLU attentif au patrimoine.

Pas surprenant qu’avec un tel passé, Ronchères ait partagé le souci de son maire de protéger le patrimoine. Élaboré selon la procédure habituelle (bureau d’étude + services de l’Etat) avec un suivi attentif de la mairie qui a su définir et faire prévaloir ses priorités, le PLU a été approuvé en avril 2011. Plusieurs clauses nous intéressent :

Patrimoine végétal : inscription de certaines haies dans le PLU. Si un propriétaire veut arracher ses haies, il doit replanter le double ailleurs. Cette réglementation n’est pas toujours facile à faire appliquer mais elle constitue un outil pour rendre les habitants conscients de l’intérêt des haies.

Patrimoine bâti : le PLU désigne comme bâtiments remarquables cinq immeubles qui ne peuvent être ni démolis ni dénaturés :

– la Barbellerie, ferme poyaudine en pans de bois et silex avec toit en basse goutte et vaste grange attenante sur poteaux de bois ;

– la Boutauderie, demeure bourgeoise du XIXe au toit d’ardoise ;

– les communs du château de Montréal du XIXe aussi, où le propriétaire s’installe en 1981, après avoir fait démolir le château par crainte d’expropriation ;

– la ferme de Montréal, du XIIe, une des plus anciennes du village classée au titre des monuments historiques ;

– le lavoir le long de la rivière, lieu de promenade et de jeux pour les enfants et les adultes, avec la source Saint-Fiacre aux eaux miraculeuses.

Matériaux : obligation d’enduire les façades en respectant la palette de couleurs de la brochure éditée par le Pays de Puisaye-Forterre. La réglementation limitant le droit de prescription à l’aspect, le PLU ne comporte pas de clause en faveur de l’utilisation de matériaux adaptés au bâti ancien.

En outre :

– une délibération du conseil municipal a rendu inaliénables les chemins propriétés de la commune ;

– la commune peut attribuer des aides aux particuliers qui veulent replanter des haies ;

– la commune a réalisé des plantations, notamment un séquoia géant en face de la mairie ;

– l’association des « amis du site et du patrimoine de Ronchères », associe la population aux activités de sauvegarde.

Ce PLU favorise un urbanisme économe d’espace grâce à une intégration harmonieuse des deux lotissements. Par leur disposition : de part et d’autre de la partie ancienne. La solution retenue pour le dernier lotissement mis en place est particulièrement heureuse ; il est relié au bourg ancien par une rue et un espace vert où des jeux accueillent les enfants. Ses parcelles ont des tailles réduites, adaptées à celle du village et aux moyens des habitants.

3 – La démocratie locale : un système efficace à l’avenir incertain.

Pour notre interlocuteur, ce PLU reflète l’utilité de l’échelon communal. Animé par des élus dont le dévouement et la connaissance du terrain coûtent nettement moins à la collectivité que des salariés, c’est le meilleur agent d’une démocratie capable d’articuler des intérêts contradictoires. Pensons au problème épineux que pose les haies par exemple, gênes pour les agriculteurs et agréments pour les promeneurs. Selon V.D., responsabiliser les gens est le moyen le plus efficace pour modifier les comportements. Recourir à la justice coûte et sert peu car des décisions non acceptées restent inappliquées, même en envoyant les gendarmes. Dans cet esprit, le maire a créé un conseil des enfants, canal qui transmet les suggestions des uns et les problèmes des autres, dont le coût des dégradations causées aux équipements collectifs.

L’attachement des habitants de Ronchères a leur commune est solide puisqu’il a surmonté la loi qui en 1972 a transformé le canton de Saint-Fargeau en commune. Après Mézilles, Lavau et Saint-Martin, Ronchères a repris son indépendance. L’appui du maire, élu en 1990, a été décisif dans une procédure qui a abouti en 1999.

Aujourd’hui, comme beaucoup d’autres élus locaux, V .D. s’inquiète de la disparition programmée des communes dont la vivacité est attestée par le nombre de candidats aux conseils municipaux, qui ne manquent jamais y compris dans les petites communes. Et il note les contradictions de l’administration : en cas d’incendie par exemple, la gendarmerie appelle la mairie de Ronchères et pas la Com.com… L’inquiétude la plus immédiate vient de l’inclusion dans le PLUI de la Com.com. « Cœur de Puisaye ». Certes l’engagement est pris de respecter son esprit mais sans obligatoirement reprendre sa démarche de sauvegarde du patrimoine naturel et bâti, ce que l’on ne peut que regretter.

4 – L’avenir : du pain sur la planche.

Pour l’avenir, la commune a encore du pain sur la planche. La restauration de l’église pose un problème difficile car elle sert trop peu. Les moines coptes, installés depuis plus de vingt ans à Ronchères, ont préféré se construire leur église. Les frères de Saint-Jean ne veulent pas venir de Saint-Fargeau pour célébrer la messe. Tout ceci rend la célébration de la Saint-Fiacre, patron du village, difficile à organiser.

L’assainissement collectif est en projet, non sans discussion. Le grand nombre de hameaux et maisons disséminés et les réticences de l’Agence de bassin ne sont pas favorables à une phyto-épuration. La mairie étudie un système avec des roseaux.

Le centre d’enfouissement, imposé à l’origine par Saint-Fargeau, nécessite un suivi permanent pour faire respecter la réglementation (sur la nature des déchets enfouis, les rejets, les odeurs…) que l’absence d’un représentant de la commune au Syndicat Mixte de Puisaye ne facilite pas. Le maire a prévu un registre pour recenser les questions que pose le centre à ses habitants.

En somme, Ronchères est une grande petite commune, vivante par ses réalisations passées comme par ses projets.