Les chaudières à bois : mode d’emploi

Les chaudières à bois ont la cote auprès des utilisateurs soucieux d’allier économie et écologie. Leur diffusion se développe en zone rurale malgré le manque de recul et d’informations exhaustives. Pour mieux cerner les avantages, les inconvénients, les contraintes de cette nouvelle technique, Hélène Delorme et Véronique Le Lann ont questionné un panel limité en nombre (6 utilisateurs) mais diversifié quant au conditionnement (3 utilisent des plaquettes, 1 des bûches, 2 des granulés) et quant à la satisfaction (3 satisfaits, 3 accidentés ou en peine). Marc Ferry a généreusement partagé ses connaissances de thermicien. Cet article est écrit à partir de leurs réponses pour lesquelles nous les remercions chaleureusement. Bien entendu et comme il convient, nous restons seules responsables des erreurs ou omissions que pourrait contenir la synthèse ci-dessous.

Le bois : un combustible bon marché et écologique.

Les deux avantages du chauffage au bois sont bien connus. Ce combustible est le moins cher de tous, quel que soit son conditionnement. Le tableau 1 chiffre cet avantage. Il ne faut pas oublier toutefois que les moteurs, pompes et équipements électroniques des chaudières à bois fonctionnent à l’énergie électrique.  En cas de replantation, le bois par ailleurs est une énergie verte grâce à la photosynthèse qui recycle le CO2 émis (tableau 2).

Des chaudières à prix exorbitants

Les choses sont moins roses quand on aborde les prix des chaudières. A buches, à plaquettes forestières ou à granulés, leur prix est fort élevé : entre 7.000 et 30.000 € pour une chaudière prête à l’emploi, avec l’équipement informatique, l’alimentation électrique, le branchement sur l’installation et la vis sans fin mais sans silo (obligatoire) ni ballon tampon (optionnel mais conseillé). Prix à comparer à celui d’une chaudière à gaz : de 3.000 à 6.000 € avec les mêmes équipements.
Le décalage de prix n’obéit pas à des facteurs techniques (la technologie est relativement simple : un brûleur et un équipement électronique) mais à des facteurs économiques : nouveauté du produit qui est encore un produit de niche fabriqué en petites séries ; absence de concurrence, l’effet d’oligopole étant renforcé par la méconnaissance des fabricants français dont la production s’améliore pourtant ; capacité des industriels du secteur à capter les subventions publiques.

Les risques du stockage

Sauf si elle utilise des bûches, une installation de chauffage au bois implique un silo pour stocker le combustible. Cette installation comporte, comme tout silo de matière inflammable, un risque d’incendie, habituellement sous-estimé mais d’autant plus important que dans la plupart des installations individuelles, le silo se trouve dans le même bâtiment que l’habitation. Nous avons observé deux cas d’incendie : l’un suite à une tempête qui a provoqué un retour de flamme du conduit de fumée vers le silo de plaquettes où le feu a pu être éteint ; l’autre qui est parti de la charpente proche du conduit puis s’est propagé dans le silo de granulés et a consumé la chaudière et la maison contigüe.
Les granulés comportent aussi un risque d’explosion plus grand car ils dégagent plus de poussières. Avec des plaquettes, on peut limiter les risques en utilisant deux silos : un de grande capacité pour stocker ; un plus petit, proche de la chaudière que l’on remplit en fonction des besoins. Cette solution, pratiquée par les deux agriculteurs du panel, suppose de vastes bâtiments et le matériel nécessaire à la manutention du bois, conditions que l’on rencontre exceptionnellement dans les « fermettes ».
Avec les chaudières à bûche, les risques d’incendie et d’explosion sont fortement réduits (pas de silo, stockage loin de l’habitation) mais la faible autonomie de la chaudière (douze heures) renforce les contraintes de la maintenance.

Les contraintes de la maintenance

Les chaudières à bois sont des machines délicates qui, comme le lait sur le feu, demandent une surveillance constante.
Le fonctionnement des coupe-feu (ballon d’eau ou écluses) entre le silo et le foyer doit être vérifié souvent pour protéger contre les retours de flamme.
Les régulations électroniques sont dans la plupart des marques un maillon faible qui arrête la chaudière au moindre écart, impliquant au mieux la mise hors tension et le redémarrage, au pire le recours au réparateur. Intervention impossible à faire en cas d’absence prolongée.
La qualité du combustible est un point difficile à satisfaire. Pour les granulés, il existe une norme DIN dont le respect garantit la qualité. Rien de tel pour les plaquettes dont en outre les fournisseurs n’ont souvent pas les qualifications requises. Il faut en effet connaître le circuit du bois énergie, disposer des installations nécessaires pour le déchiqueter de manière homogène, le dépoussiérer et contrôler son taux d’humidité. La qualité des plaquettes est déterminante. Une plaquette trop grosse bloque la vis sans fin et l’arrivée du bois dans le foyer. Un taux d’humidité trop élevé gêne l’allumage,  provoque des fumées qui encrassent la chaudière et perturbe la combustion. Le tanin des feuillus peut entrainer la corrosion du moteur de la vis.
Le conduit de fumée est un autre élément déterminant. Il doit impérativement être « double peau » s’il est neuf, isolé et tubé s’il est ancien. Sa hauteur par rapport à la toiture, sa position par rapport au foyer et à la charpente doivent contribuer à l’évacuation correcte des fumées.
La vis sans fin qui entraine les copeaux du silo vers la chaudière finit par s’user et doit être changée au bout de quelques années d’emploi. Cet entretien oblige à vider le silo, ce qui est une opération lourde et fastidieuse à cause du combustible qui reste au fond.
Enfin, divers nettoyages doivent être effectuées. Les cendriers sont à vider au moins une fois par mois car un excès de cendres peut progager le feu dans les régulations électroniques placées en position haute. La chaudière et le conduit d’évacuation doivent être nettoyés deux fois par an (le tableau 1 incorpore deux nettoyages annuels) car la combustion du bois produit beaucoup de suie, notamment si les plaquettes sont humides. Le silo de son côté demande un nettoyage annuel pour éviter l’accumulation des poussières. Retour de la corvée de vidage !

Un mode de chauffage collectif

Des observations qui précèdent on peut conclure que le chauffage au bois est mieux adapté aux installations collectives qu’aux installations individuelles. Nombre de collectivités ont fait le choix de ce mode de chauffage pour desservir avec une seule chaudière la mairie, les bâtiments communaux, les écoles etc. et réalisent ainsi de substantielles économies tout en participant efficacement à la réduction des gaz à effet de serre.

Toutes les caractéristiques des chaudières à bois vont dans ce sens. Le coût élevé de leur prix d’achat et de leur maintenance est plus facilement amorti par une installation collective. Les chaudières de forte puissance ont des performances supérieures à celles des petites d’autant que l’on peut plus aisément les coupler à un ballon tampon qui réduit leur consommation. La faiblesse des pertes de température liées à la distance du réseau hydraulique (1° / km) est un autre facteur en faveur du collectif.

Les utilisateurs privés qui opteraient pour un chauffage au bois devraient donner la priorité à la présence de manutentionnaires jeunes et costauds prêts à trouver dans l’entretien et le suivi de l’installation l’occasion d’entretenir leur forme.

Consulter le tableau 1 : Coût annuel du chauffage pour différentes énergies

Article publié dans la lettre n° 11 – hiver 2013

Avis d’un lecteur : Raymond Lebas, président – délégué de MPF Vienne et utilisateur d’une chaudière bois depuis plusieurs années partage son expérience avec quelques conseils utiles :
1) Le choix de l’installateur est primordial (…). Un bon installateur conseillera une bonne chaudière (…) allemande ou autrichienne.
2) La qualité du bois est également primordiale (…).. Le bois plaquette est normé et doit répondre à la NF EN 14961-4 du 09/2011 avec une certification AFAQ pour le fournisseur. Humidité, granulométrie, poussières doivent répondre à ces normes.
3) Ce type d’installation n’est possible qu’en fonction d’un habitat approprié. (…) Je suis dans une ancienne ferme et j’ai le bâtiment adéquat pour héberger silo et chaudière. Ce point fait que c’est rarement accessible au particulier et que l’on retrouve fréquemment des agriculteurs (…).
4) La maintenance : avec un bois de qualité, pour 30 m3 je dois décendrer deux fois, ce qui me fait 3 interventions dans l’année (je consomme 45 m3) (…). J’ai eu les deux premières années une plaquette humide et les problèmes que vous évoquez (…) : décendrage tous les mois, le silo s’empoussiérait. Avec mes livraisons actuelles, un seul nettoyage par an de la chaudière et pour le silo je n’ai pas de nettoyage à faire.

Avis publié dans la lettre n° 12 – printemps 2014