Remontées capillaires

Contre les remontées capillaires : interventions dans

les murs

Extrait de « Petite synthèse égotiste sur le salon du patrimoine (6-9 novembre 2008) », par Hélène Delorme, déléguée MPF-89, et Christian Boda, MPF 21)

 

Chacun sait que le bâti traditionnel est « hydrophile » (Tony Marchal). Trouver les solutions permettant de gérer confortablement son humidité est donc stratégique. On se concentrera sur les remontées capillaires, qui sont la principale source d’humidité et la plus difficile à gérer dans le bâti traditionnel. La qualité de la démarche à suivre est sans nul doute le facteur essentiel du succès car les systèmes de lutte sont à la fois multiples et jamais précisément caractérisés par les fabricants. Les quelques règles qui suivent visent à aider le maître d’ouvrage à ne pas se perdre dans ce maquis.

Première règle : établir un diagnostic pour écarter le rôle éventuel des autres sources d’humidité (infiltration ou condensation).

Deuxième règle : commencer par drainer le pourtour du bâtiment. Les constructions traditionnelles ne comportant pas (ou peu) de fondations, la pose du drain devra se faire à une certaine distance des murs (50 à 80 cm) pour ne pas couper le talutage et ainsi diminuer la solidité des murs. Au pied des murs, préférer la pose de graviers ou de petits massifs, respirant et absorbant, à l’édification de trottoirs en dur.

Troisième règle : si le drainage ne suffit pas, ne pas se tromper dans le choix des systèmes de lutte contre les remontées capillaires. Deux systèmes sont actuellement disponibles.

Les injections dans les murs

Le plus ancien repose dans son principe sur l’injection dans les murs de produits qui font barrage aux remontées capillaires en bouchant les vaisseaux de la pierre. Après piochage des enduits détériorés par l’humidité, des orifices d’injection sont effectués en ligne tous les 12-15 cm sur une profondeur d’au minimum 4/5° de l’épaisseur des murs et à un niveau supérieur à celui du sol. Le produit bloquant est ensuite injecté sous pression de manière à former dans le mur un barrage aux remontées d’eau. Mis en œuvre depuis quelque trente ans, ce procédé a progressivement perfectionné les produits qu’il utilise.

La quatrième règle est donc de ne pas se faire refiler des produits dépassés. Trois générations de produits injectés se sont succédées :

  1. la résine de polyuréthane est rigide et irréparable en cas de fissures provoquées par les mouvements du bâtiment ; le seul remède est alors de procéder à un nouveau rang d’injections dans le mur ;
  2. les résines hydrophobes ou hydrofuges de masse (les fabricants confondent souvent les 2 mots bien qu’ils n’aient pas le même sens) entrent plus étroitement dans les capillaires de la pierre mais sont polluantes si elles utilisent un solvant pétrolier ;
  3. les micro émulsions de silicone (MSC), que la firme luxembourgeoise MURPROTEC a été la première à breveter, est la dernière génération de produit : les micro éléments de silicone qui les composent, une fois mélangés à l’eau, tapissent mieux les capillaires de la pierre et forment une barrière plus souple et donc plus résistante aux mouvements du bâtiment.

Le choix entre les différents fabricants et produits d’injection reste une tâche délicate qui demande de minutieuses recherches. Essentiellement parce que les produits utilisés résultent d’élaborations complexes d’autant plus difficiles à cerner que les fabricants répugnent à les dévoiler, sans doute par souci de se protéger contre la curiosité de leurs concurrents et de leurs clients. Ainsi, les mots « résine » ou « polymère » recouvrent une gamme étendue de produits qui sont rarement définis avec précision.

La réussite des injections dépend fortement de la qualité de la mise en œuvre. Or celle-ci est d’autant plus délicate que la porosité et l’hétérogénéité du support sont grandes. Dans un mur en moellons, les MSC peuvent être moins efficaces que des produits plus grossiers car elles tendront à s’infiltrer de manière désordonnée dans toutes les cavités des moellons sans pouvoir former un barrage homogène contre les remontées d’eau.

Dans tous les cas, la question reste ouverte de savoir si les injections, quel que soit le produit utilisé, sont cohérentes avec la porosité du bâti traditionnel. Comme l’annoncent les fabricants, elles mettent en place une « barrière à la fois efficace et définitive »[1] contre les remontées capillaires. Or ces deux qualités sont aussi leurs principaux défauts. D’une part, les injections contiennent l’humidité dans le soubassement du mur traité et ainsi le fragilise tout en transformant les caves en trappes à humidité (les fabricants proposent contre cet effet des enduits étanches pour recouvrir les murs des caves humides !). D’autre part, les injections sont irréversibles car les produits injectés dans le mur ne peuvent plus en être retirés.

L’inversion des polarités électriques des murs

Depuis une vingtaine d’années, les propriétaires de maisons victimes de remontées capillaires ont à leur disposition un second type de procédé dont le principe d’action est de stopper ces remontées par l’inversion des polarités électriques des murs. L’origine des champs magnétiques naturels qui se forment dans certaines zones géographiques reste inconnue. Mais on sait que ce sont eux qui fournissent l’énergie nécessaire à la remontée de l’eau dans les capillaires des pierres. Deux types de systèmes ont été mis au point pour inverser la polarité des murs et neutraliser la cause des remontées des molécules d’eau dans les maçonneries.

Chronologiquement, le premier apparu se fonde sur l’électro-osmose par branchement d’électrodes dans les maçonneries. Ce système présente trois inconvénients. Son efficacité n’est pas assurée, notamment parce que son installation implique une grande technicité, les électrodes étant difficiles à brancher. Sa durabilité est faible car les électrodes se corrodent malgré la réduction de l’humidité des murs. Enfin la concentration progressive des ions métalliques dans la base de la maçonnerie constitue une barrière étanche tout aussi « définitive » que celle que forment les injections.

Le second procédé, commercialisé par MURTRONIC[2], assèche les murs par la création d’un contrechamp électromagnétique qui inverse la polarité des murs. Ce procédé a deux variantes : l’une sans apport d’énergie extérieure, l’autre avec apport d’énergie extérieure. Il peut être appliqué à tous les types de bâtiments et de maçonneries. Il est non destructif car son installation ne nécessite aucun travaux, simplement la pose des boitiers correspondant à la variante choisie. Son coût est très inférieur à celui des injections : 3 000 € pour une cave de 30 m2 contre 10 000 pour le système à injections[3]. S’il fonctionne (car ce n’est pas garanti !), il semble une solution idéale.

Cependant la question de sa compatibilité avec le bâti traditionnel reste ouverte. Pour neutraliser les sels minéraux déposés dans les maçonneries par les remontées d’eau et qui, au gré de l’assèchement des murs, se cristallisent et deviennent visibles, le fabricant recommande de remplacer les crépis détériorés et chargés de sels par un enduit composé de ciment et d’un additif, HYDROMENT élaboré en Allemagne. Ce nouvel enduit est censé fixer à l’intérieur de la maçonnerie les sels et le salpêtre encore présents ce qui prévient l’apparition de tâches disgracieuses. Mais, l’utilisation de ciment bloquera la respiration des murs et donc constituera une nouvelle cause de dégradation. En effet, les sels vont tendre à se concentrer à la limite de l’enduit et des pierres qui à terme se déliteront. Dans ces conditions, au terme des 10 ans de garantie de l’enduit, le risque est grand de devoir changer les pierres en même temps que l’enduit !

Cette prescription pose question sur l’efficacité du procédé d’assèchement. En effet, s’il assèche les murs, pourquoi ne pas se contenter de les nettoyer par brossage au fur et à mesure de l’apparition des sels et du salpêtre ?

Une question à suivre.

Les interrogations et les limites des deux systèmes ci-dessus présentés confirment l’actualité d’un troisième système, moins souvent évoqué car nettement plus coûteux et plus long à mettre en œuvre mais radical. Il consiste à placer sous les murs une barrière physique étanche sous la forme d’une bande de métal inox ou de PVC.

En somme, la lutte contre l’humidité est une question à suivre sur laquelle les avis, les expériences et les connaissances de tous sont utiles et nécessaires. N’hésitez pas en faire part pour aider à constituer une somme de connaissances partagées.

 

[1] Brochure de TECHNICHEM, firme belge

[2] Site Internet : www.geco.fr/F/murtronic.htm

[3] Evaluation trouvée sur le forum : www.universimmo.com/forum/topic